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Démarche : HABITER, habiter la nature,

Liliane Fafet, auxiliaire de vie, aide à domicile

[- Rencontre des Alouettes, à La Forge, le 29 novembre 2022. Écrit de Denis Lachaud. Avec la photo d’Olivia Gay et un message de Liliane -]

Olivia Gay est venue suivre Liliane, elle l’a photographiée dans son quotidien professionnel. Liliane est l’aide à domicile de Nelly, la mère de Maryse, membre du comité de pilotage des Alouettes. Nous recevons aujourd’hui Liliane pour l’écouter nous parler de son métier itinérant, dans cette portion de la Picardie à laquelle nous nous intéressons.

J’ai travaillé dans les bureaux, ensuite j’ai été nounou pour garder mes enfants en même temps, puis j’ai changé il y a 5 ans. J’ai commencé l’aide à domicile.

Mon employeur, c’est l’Association des Aînés. On est 128 à tourner en accueil de jour, en EHPAD, en aide à domicile. L’Association des Aînés s’est implantée à Acheux. Son territoire d’intervention est très étendu. Ils vont à Albert, ils vont jusque dans le Pas de Calais.

J’aime bien les personnes âgées. Je fais attention.

On aide à la toilette, aux tâches ménagères, tout ce qui concerne le ménage, on peut faire les courses, la lessive.

Le métier, c’est beaucoup d’écoute, d’accompagnement. Les personnes ont besoin de parler. On sort, on n’a rien vu, rien entendu. Secret professionnel.

On partage le quotidien des bénéficiaires pendant qu’on est là. Parfois, s’il nous reste du temps, on joue avec elles ou on leur fait la lecture, on met de la musique…

On est assez autonomes, même si le temps qu’on passe chez chaque personne est compté. Le plus difficile, c’est de respecter ce temps d’intervention. C’est l’APA (Allocation Personnalisée d’Autonomie) qui en décide. Un médecin remplit un dossier avec la famille. Si la personne est valide, ça diminue le temps. Souvent, l’état de santé des personnes évolue assez vite. Il faut faire remonter pour que le temps d’intervention soit réévalué.

On a 30 ou 45 minutes selon les bénéficiaires, 1 ou 2 heures quand il y a des tâches ménagères. C’est différent d’une personne à l’autre. Pour certaines, c’est trop, pour d’autres c’est pas assez.

Ça n’est pas un métier facile. On n’a pas toutes les informations en arrivant, il faut faire connaissance.

Des liens se créent, plus ou moins forts, même si on n’a pas le droit. L’association ne veut pas qu’on crée des liens fusionnels. C’est pour ça qu’on tourne. Mais c’est pas facile, par exemple pour les personnes qui ont Alzheimer. Comme elles ont du mal à reconnaître les autres, le changement ne les aide pas.

Il ne faut jamais brusquer les gens sinon c’est terminé.

Il faut s’adapter aux caractères, aux habitudes. Quand on arrive de bonne heure le matin, on ne les brusque pas.

Une journée type

Je commence à 7h.

Les temps de trajet ne sont pas comptés alors le retard s’accumule. On finit plus tard et aussi, ça désoriente certains bénéficiaires, ils voient sur leur planning qu’on doit arriver à une certaine heure et on arrive 20 à 30 minutes plus tard.

On a une heure pour le déjeuner. Souvent on en profite pour rattraper le retard qui s’est accumulé le matin.

Les trajets entre les bénéficiaires sont payés, on va bientôt passer de 35 à 38 centimes le km.

Par contre, le premier trajet, la route entre chez moi et la première maison, celui-là n’est pas remboursé. Moi j’habite à Beauquesne et j’ai décidé de ne pas travailler dans mon secteur. J’ai souvent 20 km jusqu’à la première maison. Pour peu que je rentre déjeuner chez moi le midi, ça fait 80 km qui ne sont pas pris en compte. Sur une seule journée.

Je badge en arrivant.

La première dame, je la lève, je la douche, je l’habille, je la mets dans son fauteuil, je fais le lit, je nettoie la salle de bains.

Je badge en sortant.

2e maison : 45 minutes avec une aide soignante. C’est un cas difficile, assez lourd. Toilette, lever, fauteuil.

3e maison : Nelly. Elle est levée et habillée. C’est une chance. On boit le café, je fais le ménage. Parfois j’apporte le croissant. Nelly, quand je suis en retard, elle attend. Elle s’inquiète.

4e maison. 1h15. Pendant que je prépare le repas, on discute. On travaille mais on ne met pas la personne à l’écart.

5. Je retourne chez Nelly pour 30 minutes. Je lui donne son repas. Il nous arrive de déjeuner ensemble.

6. Je retourne dans la 4e maison, la dame d’avant le déjeuner.

7. L’après-midi je reprends avec deux heures de ménage…

Je vois 9 à 10 personnes par jours. Je finis vers 20h ou 20h15. Je travaille un week-end sur 2. J’ai une journée de repos dans la semaine.

En tout je suis une cinquantaine de personnes.

Acheux m’a demandé de faire des astreintes mais j’ai refusé.

Ils ont du mal à recruter des jeunes. Ils n’arrivent pas à les garder, ils manquent de personnel.

Les jeunes démarrent sans formation. Celles qui restent sont formées. Sinon, elles ne connaissent pas les positions par exemple, elles se font vite mal au dos.

Des fois on a une fille en tutorat. Ça se passe bien au début, mais dès qu’on les laisse seules, ça se complique. Elles ne savent pas forcément créer le contact, partager avec la personne. Poser des questions sur le passé par exemple.

Parfois c’est compliqué avec la famille. Il peut y avoir de la jalousie. On rentre dans l’intimité, on pose des questions, on finit par en savoir plus sur la personne que ses propres enfants.

Je me suis déjà fait agresser par la fille d’une bénéficiaire, par exemple. Elle ne voulait pas que je couche sa mère, elle m’a sauté dessus.

Il arrive qu’une personne décède avec nous. Ça n’est pas facile.  Je suis sensible. Je m’attache. Parfois il faut mettre des barrières. Moi je n’y arrive pas, je saute pas dessus, je dis aux personnes qui ne vont pas bien de m’appeler s’il y a un problème.

Du point de vue médical, on n’a pas le droit d’intervenir. On donne les médicaments qui ont été prescrits par le médecin. Il nous arrive bien de poser un pansement quand c’est nécessaire. Pas plus.

On a le droit de retrait. Il m’est arrivé de refuser d’aller dans certaines maisons.

À propos d’une photo prise par Olivia :

J’ai été très émue. J’en ai pleuré. Elle est très belle. J’ai un lien très fort avec Henriette, c’est très fort avec cette dame, je fais tout pour elle, elle ne voulait plus manger, elle ne voulait plus se lever, je fais tout pour la stimuler, pour stimuler son mari aussi, son fils. Henriette est une femme très douce.

J’ai Nelly aussi. On s’entend très bien.

Il y a une dame qui est décédée que j’aimais beaucoup. Je vois toujours la famille. Je vais au restaurant avec eux.

Je suis en train de trier, de faire un album avec les photos d’Olivia.

Je me fais payer pour travailler bien sûr, mais mon métier, je le fais par amour. C’est ma nature, c’est en moi.

Je suis ravie de faire ça, je touche à tout, je fais plein de choses. Parfois on va se promener si on a l’accord.

Parfois je laisse un petit mot à l’aide qui va me remplacer chez une personne. Je lui donne des informations importantes, je lui indique comme il faut s’y prendre avec cette personne.

Aujourd’hui je sors d’une réunion à Acheux, ils vont récompenser celles qui ne sont jamais en arrêt, qui sont toujours volontaires.

Denis Lachaud
© Olivia Gay : Henriette dans les bras de son auxiliaire de vie Liliane pendant la toilette du matin au lit, à son domicile de Villers-Bocage. 13 mai 2022

Liliane :

« … Je reviens sur la photo de Mme Henriette, le regard, les gestes, en disent long sur la confiance que l’on a l’une envers l’autre, la complicité, l’échange, l’amour. Mme Nelly, la maman de Maryse, est aussi une personne que je porte dans mon coeur, …, sa reconnaissance ainsi que celle de sa famille me donne l’envie de me lever le matin, et d’avancer dans mon métier. Je suis le moteur qui leur permet de rester debout et d’avancer en les maintenant le plus longtemps possible à leur domicile... »

Extraits du message de Liliane Fafet du 6/12/22

Action réalisée

Auteur.e.s
Denis Lachaud
Olivia Gay

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