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Démarche : HABITER, habiter la nature,

Jean Marie Fontaine, agriculteur (3)

[ Troisième Rencontre des Alouettes avec Jean Marie Fontaine, éleveur de vaches à Molliens-au-Bois. À La Forge, le 29 octobre 2020. Écrit de Denis Lachaud. Photo d’Eric Larrayadieu ]

Jean-Marie Fontaine © Eric Larrayadieu


Je me suis installé il y a 45 ans.

Avant j’aidais mes parents.

J’ai passé un diplôme équivalent au BTA-BTS.

On s’est installés avec mon frère. À deux. On a tout partagé. Moi j’ai pris la viande, mon frère a pris le lait.

Chacun suit ses idées.

On s’est toujours arrangés, on se prêtait le matériel. Ça coûte une fortune, le matériel. On avait 3 tracteurs.

Comme il gagnait un peu plus avec le lait, j’élevais ses veaux et je les revendais.

À l’époque les animaux étaient attachés. Peu à peu on les a mis en liberté. On a construit un hangar.

2 ou 3 ans après qu’on s’est installés on a repris 18 hectares.

On s’est agrandis petit à petit.

On est arrivés à 95 hectares.

On a repris les terres en location, on les a achetées après.

Le travail, ça fait 70 ou 75 heures par semaine.

Avec le temps il a fallu produire plus.

Les produits n’ont jamais augmenté, mais les charges, elles, n’ont pas cessé d’augmenter.

Il y a eu une fausse augmentation du lait, par exemple.

J’explique.

Disons qu’on vendait le lait 30 centimes d’euros le litre.

Il fallait qu’il contienne 34 grammes de matière grasse.

À 32 grammes, c’était 29 centimes, à 36g, c’était 31 centimes.

En grande surface, il était revendu 65 à 70 centimes le litre.

Quand on nous a augmenté le prix du lait, il est passé à 32 centimes, mais on nous a demandé 38g de matière grasse.

Du coup ça n’a rien changé : si le lait avait 36g de matière grasse, on le vendait toujours 31 centimes, 30 centimes pour 34g, etc…

Par contre, les grands distributeurs ont dit “il y a eu une augmentation à l’achat donc on augmente le prix en magasin”.

Mais ça n’a rien changé pour le producteur.

On a agrandi le cheptel.

On a construit un deuxième hangar.

On avait 20 vaches laitières, on est arrivés à 40.

Du côté des vaches allaitantes, on est passé de 5 à 15.

Le reste, ce sont les veaux qu’on élève.

On est arrivés jusqu’à 115 bêtes.

Aujourd’hui on parle de bien-être animal, mais les bêtes, on les pousse.

Les terres sont en polyculture. Céréales sur la majorité, colza, pommes de terre…

Au début j’ai mis des betteraves fourragères mais on n’en voit plus. C’est de la main d’œuvre et les bêtes s’étranglent avec. On les coupait et on les mélangeait avec de la paille.

Je prenais des vacances. 8 jours l’hiver, 8 jours l’été.

On allait aux sports d’hiver, l’été à la montagne ou en Bretagne.

Tout seul je ne serais pas parti.

C’est contraignant quand tu as des bêtes.

Aujourd’hui, je suis à la retraite. J’ai cédé à mon frère et 30 hectares à son beau-fils, qui est aussi gérant d’une ferme en lycée agricole.

Pour s’installer sur le plateau picard nord, il faut 28 hectares.

J’ai gardé 2 hectares 6 environ, c’est le dixième de la SMI (Surface Minimum D’Installation). C’est ce qu’on a le droit de garder quand on part en retraite.

J’ai un peu de bêtes, des pâtures. Je m’arrange avec mon frère.

J’aime bien m’occuper des animaux et travailler la terre. J’ai toujours aimé ça.

Au printemps, je sors dans mon jardin et je travaille la terre. C’est un potager de 250 m². En mai-juin, je peux y rester jusqu’à 10h1/2 du soir.

Ma fille tient un restaurant, elle vient prendre des légumes et des aromates, de la sarriette, du thym citronné, du thym normal…

Il y a des bonnes terres argileuses et d’autres, moins bonnes.

Le bief, c’est dur à travailler. Le blanc (la craie) ça ne donne pas grand chose. Il faut arroser beaucoup.

Ici c’est le plateau picard nord. L’hectare vaut 6000 euros environ en terre occupée. En terre libre c’est le double.

Quand on veut reprendre une terre à la fin d’un bail, il faut prévenir 18 mois à l’avance.

Le bail dure 9 ou 18 ans. Plus il est long, plus tu payes cher.

Un fermage, c’est 7 ou 8 quintaux l’hectare par an (environ 200 euros l’hectare).

Ça évolue un peu tous les ans.

La terre est intéressante si elle est cultivée.

Aujourd’hui en général, les propriétaires ont reçu leurs terres en héritage.

Les agriculteurs les louent.

La terre, ça peut être le jackpot si on veut faire passer une ligne de TGV dessus ou installer une éolienne. C’est 100.000 euros l’hectare pour l’expropriation. C’était ce prix-là pour la rocade au sud d’Amiens.

Près d’un village, quand une terre devient constructible, l’hectare passe de 6000 à 750.000 euros (viabilisé).

Aujourd’hui, notre ferme est une petite ferme.

Quand on s’est installés, on était dans la moyenne.

Il a toujours fallu produire plus, les charges n’ont jamais cessé d’augmenter, on a eu des prêts avec des taux allant jusqu’à 18%.

Au départ ce n’était pas trop la mentalité d’emprunter. On achetait si on avait de l’argent.

Après on a dû emprunter.

Il y a ceux qui ont osé emprunter et ceux qui ont eu peur.

Aujourd’hui un homme seul peut exploiter 150 hectares s’il n’a pas de bêtes et s’il est bien équipé.

L’épandage est modulé par ce que les photos satellites lui indiquent concernant par exemple le taux d’azote dans la terre.

Les petits s’en sortent s’ils touchent à tout.

Action réalisée

Auteur.e.s
Denis Lachaud

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