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Démarche : Le faire de La Forge ?

Retrouvailles avec Marie-Françoise et Micheline, 2e session


[- Écrit de Denis Lachaud, deuxième atelier de pancartes brodées, pour le retour en arrière, vers le parcours Des objets de réderie au Fées diverses, pour aller de l’avant avec le film de Pierre Boutillier. . À la Bibliothèque de Friville-Escarbotin, le 26 janvier 2024 -]

MARIE-CLAUDE – Je vous ai trouvé des crochets.
MARIE-FRANÇOISE – Oh du 20 ! J’en avais jamais vu.
MARIE-CLAUDE – J’ai pris un 9 aussi. Pour écrire ce sera plus pratique, peut-être. En fonction du mot, on peut changer de taille.

Aujourd’hui, Betty nous a rejoints. Elle ne faisait pas partie du groupe à la création de Fées Diverses.
Pierre installe son matériel. Il écoute, il observe.

VALÉRIE – On a oublié d’emmener un torchon.
BETTY – J’en ai apporté un. Il a vécu la vaisselle, puis le bricolage.
DENIS – C’est mieux que s’il était neuf, un torchon usé, avec ce qui va être brodé dessus.
VALÉRIE – J’ai fait des agrandissements de vos phrases. Et on a apporté des cadres, pour voir si on peut tendre la dentelle dessus.
DENIS – Ça va gêner, les pinces ?
MARIE-FRANÇOISE – Non, le principal, c’est que ce soit tendu.
Maintenant y’a plus qu’à…

Marie-Françoise essaie de broder dans le cadre.

MARIE-FRANÇOISE – Il faut tendre un peu plus.
DENIS – Ça, ça s’appelle comment ?
MICHELINE – Du tricotin.
VALÉRIE – Tu en as déjà assez pour écrire un mot ?
MARIE-FRANÇOISE – Passe moi un papier avec une phrase, que je le glisse en dessous.
DENIS – C’est quoi ta phrase ?
VALÉRIE – T’ES AMOUREUSE, TU VOIS RIEN D’AUTRE.
MICHELINE – Rose clair sur rose foncé c’est bien.
MARIE-FRANÇOISE – Ça se détend dès que j’y touche, c’est pas pratique. Il faudrait des punaises ou des agrafes.

Micheline sort des chocolats.

DENIS – Café, Marie-Françoise ?
MARIE-FRANÇOISE – Non, je bois pas de café.
MICHELINE – Un chocolat ?
FRANÇOIS – Non merci, j’ai pas droit au sucre.
MICHELINE – Moi non plus j’ai pas droit au sucre, mais une fois de temps en temps…

François prend un chocolat.

VALÉRIE – Et pour le torchon ?
BETTY – J’ai pensé à cette phrase que j’ai vue dans des manifs féministes, je l’avais notée dans un coin.
NOUS NE SOMMES RIEN, SOYONS TOUTES
VALÉRIE – Oui très bien.
BETTY – Je vais commencer par l’écrire à la craie.

Tout le monde travaille. Marie-Claude prépare une longue chaînette au crochet.

VALÉRIE – Là tu as de quoi écrire COURS. Il faut 1m50 de tricotin pour écrire COURS. Donc il faut 2 mètres pour écrire TOUJOURS. On peut couper pour faire des lettres, ça économisera la chaîne.
MICHELINE – Mais ça va se démonter si on coupe.
MARIE-FRANÇOISE – Il suffit de récupérer tes mailles avec une aiguille.

Par moments, la pièce est baignée de silence. Les œuvrières, comme nous les avions baptisées à l’époque, se concentrent. Par moments aussi, Pierre filme. Il évolue discrètement autour de la table avec sa caméra comme une abeille autour d’un massif de fleurs. Il est déjà parvenu à se faire oublier.

MARIE-FRANÇOISE – Qu’est-ce que vous pensez de mon T, c’est lisible ?
VALÉRIE – Oui. Si tu veux on écrit à la craie T’ES AMOUREUSE, TU VOIS RIEN D’AUTRE.
MARIE-CLAUDE – Ou au feutre.
MARIE-FRANÇOISE – Oui c’est mieux.
MARIE-CLAUDE – Tu seras plus à l’aise.
MARIE-FRANÇOISE – Le cadre, c’est pas très pratique. Mon petit tambour, ça aurait été mieux. Mais je l’ai prêté et on me l’a pas rendu.
BETTY – J’en ai un si tu veux.
MARIE-FRANÇOISE – Aaaaaaaaah…

Marie-Françoise saisit le tambour. Elle installe son morceau de dentelle.

MARIE-FRANÇOISE – Oui c’est beaucoup mieux.
VALÉRIE – Comment on coud les lettres ?
MICHELINE – On passe dans les trous de la laine.
MARIE-CLAUDE – Et la manif, ça se passerait où ?
MARIE-FRANÇOISE – Faisons déjà les pancartes.
PIERRE – Vous allez devoir trouver du monde, pour faire une manif.
MARIE-FRANÇOISE – Moi j’ai ma fille à Ault.
BETTY – J’ai des copines parmi les Rosies, à Abbeville. Je peux leur poser la question. Sinon je peux faire venir d’autres copines, mais elles n’étaient pas là au départ.
MARIE-FRANÇOISE – C’est un nouveau groupe et puis c’est tout.
MICHELINE – T’as pas de nouvelles de Sylvie ?
MARIE-FRANÇOISE – Non pas récemment. J’en ai par les ambulanciers de temps en temps. Elle fait des chenilles porte-bonheur, elle aussi.
DENIS – Les ambulanciers te donnent des nouvelles de Sylvie ?
MARIE-FRANÇOISE – Oui maintenant c’est des copains et des copines. Je passe une demi-heure aller pour Abbeville et une demi-heure retour avec eux tous les jours. Quand je vais faire ma kiné. On a le temps de se parler.

VALÉRIE – Si tu veux on peut reserrer les lettres de NOUS NE SOMMES pour que ce soit centré.
BETTY – Ah oui, j’ai pas pensé à ça, c’est la graphiste qui parle.
VALÉRIE – Et pareil pour RIEN et pour SOYONS TOUTES.
MARIE-CLAUDE – C’est super, le torchon.
VALÉRIE – Pendant que tu couds, je fais du tricotin.
MICHELINE – C’est le travail à la chaîne.
VALÉRIE – Ça y est, j’ai pris le rythme, on va pouvoir faire le deuxième U de TOUJOURS.
BETTY – J’ai du mal avec RIEN.

PIERRE – Il y en a combien à faire ?
VALÉRIE – Autant que possible.
DENIS – Il faut que ça foisonne.
MICHELINE – Après, il va falloir trouver qui portera les panneaux.
MARIE-CLAUDE – Moi je pourrais passer du fil de fer dans la chaînette et former ma phrase dans le vide.
DENIS – C’est quoi ta phrase, déjà ?
MARIE-CLAUDE – LE MIEN C’EST UNE PERLE.
DENIS – Ah oui. LE MIEN C’EST UNE PERLE écrit dans le vide…
MARIE-CLAUDE – Je vais réfléchir.
VALÉRIE – 16h30, on a le temps de faire le S de TOUJOURS.
MICHELINE – Je pense.